Le samedi 15 octobre aura lieu la 14e édition du Jour de la Nuit. Manifestation nationale nationale de sensibilisation à la pollution lumineuse, protection de la biodiversité nocturne. A cette occasion, Reporterre publie une série d’articles sur les changements et les dangers qui guettent notre ciel étoilé.

Au revoir Ursa Major, Cassiopée ou Orion. Bonjour les systèmes Starlink, One Web, Kuiper et Guowang. De 2019 à 2030, de nouvelles constellations devraient fleurir dans notre ciel nocturne. Beaucoup moins élégantes que leurs anciennes, qui éblouissent les amoureux du ciel en leur rappelant l’immensité de l’espace, ces nouvelles guirlandes lumineuses rectilignes ne sont que des satellites.

Si seulement la société d’Elon Musk, SpaceX, et l’européen OneWeb avaient lancé massivement leurs premières machines (déjà plus de 3 000 pour la première), une quinzaine de projets (dont le célèbre européen One, les systèmes Kuiper d’Amazon, ou le chinois Guowang) devraient suivre. Des dizaines de milliers de satellites vont bientôt faire irruption dans le ciel, au grand désarroi des astronomes, qui pourraient trouver jusqu’à 60 % de leurs images inexploitables.

Train satellite Starlink de Buenos Aires, Argentine.

« Je les vois régulièrement. C’est très spectaculaire. Ils étaient partout dans le ciel lundi dernier », raconte l’astrophotographe Olivier Sauzero. « Ces satellites peuvent être vus lorsqu’ils réfléchissent la lumière du soleil. Mais ils disparaissent lorsqu’ils sont dans la nuit de la Terre. Donc, en hiver, on les voit moins souvent qu’en été », ajoute-t-il. Le photographe est spécialisé dans les clichés nocturnes de « paysages astronomiques ».

Photographies du ciel vues de la Terre. Plus précisément, nous voyons la voûte céleste, accompagnée de l’environnement terrestre. Pour faire son métier, il lutte sans cesse contre la pollution lumineuse des villes, des zones industrielles, de l’éclairage public et privé… Et, sans doute, bientôt du ciel lui-même. Car pour l’instant il a réussi à ne pas changer ses méthodes de travail : « Je passe entre les gouttes et je refais ça en numérique si besoin. « Mais pour combien de temps ?

Jusqu’à 60 % de clichés inutilisables

Dans les laboratoires d’astronomie, la peur est également palpable. Certains emplois seront moins touchés que d’autres. « Pour des télescopes qui deviennent très gros, même avec 100 000 satellites, il y aura pas mal de passages », précise Fabrice Mottez. Environ 3 à 4 % des images peuvent avoir été rejetées. En revanche, pour les télescopes à grand champ qui permettent de rechercher des objets inconnus (notamment des astéroïdes), jusqu’à 40 % des images seront inadaptées. Ainsi, même si les collisions d’astéroïdes avec la Terre restent rares (environ une fois par siècle), leur détection risque d’être plus difficile.

Guillaume Cannat a même calculé que 60% des photographies pouvaient devenir inutilisables. Et même si certaines images peuvent être traitées numériquement, « il y aura inévitablement des pertes d’informations ». Les grandes stations astronomiques situées dans le désert d’Atacama au Chili, en raison de conditions exceptionnelles, pourraient voir leur travail compliqué par la pollution céleste.

« C’est le nouvel ouest sauvage »

« Cela pose la question de l’utilisation de l’espace », s’interroge Olivier Sauzero. Comment une entreprise privée ou l’État s’arroge-t-il le droit de l’envahir ? À l’heure actuelle, aucune législation mondiale ne réglemente l’occupation de l’espace. « Si nous avons assez d’argent, nous pouvons y aller. C’est le nouveau far west », dénonce Guillaume Cannat. juin 2022ET a créé le Centre pour la protection du ciel contre les constellations de satellites, un organisme dédié à l’identification des problèmes causés par ces ensembles de machines et à la formulation de recommandations pour leur atténuation. Mais « cette instance n’a qu’un mandat consultatif et n’a pas le droit de décision », déplore le spécialiste.

Sans oublier que 100 000 nouveaux satellites sont une source importante de déchets. De plus, la durée de vie de chaque satellite est de 5 à 7 ans. Ainsi, situées à moins de 500 km de la surface terrestre, des engins (chacun pesant plus de 200 kg) finiront par se désintégrer dans l’atmosphère. Comment imaginer que la libération d’une telle quantité de matière dans l’atmosphère puisse n’avoir aucun effet ? On sait peu de choses sur la pollution, à laquelle s’ajoutent les gaz à effet de serre émis par les lancements – actuellement hebdomadaires – de fusées en orbite.

Ainsi, ce nouvel espace alimente les fantasmes de nombreux industriels qui rivalisent d’idées plus absurdes les unes que les autres pour promouvoir leurs produits. Utiliser le ciel comme toile pour des bannières publicitaires, avoir une lune artificielle permanente pour éclairer les villes, lancer des étoiles filantes… Pour Guillaume Cannes, le plus plausible serait de mettre en orbite une étoile dans le ciel. « Alors on pourrait imaginer la star de Coca-Cola », l’emblème fictif de la dystopie totale en ce moment.

📨 Abonnez-vous gratuitement à la newsletter

Inscrivez-vous en moins d’une minute pour recevoir gratuitement une sélection d’articles publiés par Reporterre par email quotidiennement ou hebdomadairement.

s’abonner

Après cet article

Sondage – Numérique

Elon Musk innove sur la pollution avec Starlink

commentaires

.