Le Dévonien, période géologique d’environ 400 millions d’années (il y a des millions d’années), est un moment charnière dans l’histoire de la vie. En particulier, des écosystèmes complexes se sont développés sur terre, jusqu’alors limités au milieu aquatique. C’est dans les roches de cette époque, assez rares dans le nord de la France, que des fossiles végétaux ont été découverts au début du XXe siècle à Rebrève (Artois, Hauts-de-France). Ils ont été décrits pour la première fois dans les années 1950, mais nécessitaient de nouvelles connaissances. Une équipe de paléontologues, composée d’Elliott Capel et Borja Cascales-Mignan (Université de Lille) et de Cyrille Prestianni (Université de Liège) a mené l’étude et l’a publiée le 1er août 2022 dans la revue Botany Letters. Ils ont réussi à obtenir de nouvelles données sur cette flore ancienne.

Flore merveilleuse et diversifiée avec des espèces endémiques

Merveilleuse flore ! Cette collection de fossiles végétaux, datant de la période dévonienne, il y a environ 400 millions d’années, l’est à bien des égards. D’abord parce qu’il s’agit de « la deuxième flore la plus ancienne de France », explique Eliotte Capel, doctorante en paléontologie au laboratoire Evo-Eco-Paléo (Université de Lille) et auteur principal de l’étude, à Science et Avenir. Ensuite, « parce que nous avons un taxon endémique (Danziella artesiana) issu d’une lignée aujourd’hui éteinte. […] ainsi que la deuxième apparition mondiale d’un taxon (Psilophyton parvulum), un euphyllophyte basal qui n’a jusqu’à présent été trouvé qu’en Belgique », ajoute-t-il. En plus de ces espèces, des mousses (bryophytes) et d’autres plantes vasculaires sont également possibles. , des plantes avec des vaisseaux qui leur permettent de transporter les nutriments à l’intérieur de la plante. De ce groupe, les paléontologues ont isolé des lycopsides, petites plantes, dont les représentants modernes vivent en milieu humide, ainsi que d’autres euphyllophytes basaux, représentants des ancêtres probables des fougères et des plantes à graines, apparues plusieurs millions d’années plus tard.

Photographie de psilophyton, une plante fossile du Dévonien dans le nord de la France. Il n’est connu qu’à Rebrève et en Belgique. Crédits : Capel et al./Botany Letters

Le nord de la France était probablement une plaine côtière sans arbres.

Avec tous ces fossiles, les paléontologues ont tenté de reconstituer le paysage du nord de la France. « On peut imaginer une plaine côtière au climat plutôt humide et chaud, où poussaient des plantes mesurant à peine plus de 50 cm », confie Eliott Capel à Science et Avenir, un paysage où les lycophytes sont les plus abondants. étude. Cependant, il précise en nous rappelant qu’il faut faire attention à la nature exacte du milieu dans lequel vivaient ces plantes. Mais on peut prendre de la hauteur et se demander où était cet environnement il y a 400 millions d’années. En fait, le fait que les continents soient en mouvement perpétuel avec la tectonique des plaques signifie qu’ils n’étaient pas comme ils sont aujourd’hui.

Photo d'une plante fossile du nord de la France.  Crédit & Copyright : Capel et al./Botany Letters.

Photo de Savdonia, une plante fossile du Dévonien dans le nord de la France. L’élément rond sur la gauche est un sporange probable, une structure reproductive. Crédits : Capel et al./Botany Letters

Le nord de la France se trouvait en effet sur un autre continent il y a 400 millions d’années.

Pour s’en rendre compte, il faut comparer cette flore fossile avec d’autres, et il s’avère qu’elle est très similaire à celle retrouvée dans les roches de la même période de l’est du Canada, d’Ecosse ou d’Allemagne. Tout d’abord, elle présente une très forte ressemblance avec la flore contemporaine connue des Ardennes belges, ce qui traduirait une certaine proximité géographique. En revanche, il ne semble pas avoir de points communs avec ce que l’on connaît du massif armoricain, structure géologique composée de roches anciennes couvrant la Bretagne, la Vendée et le Cotentin, où l’on retrouve une flore un peu plus ancienne. Par conséquent, cela révélera une certaine distance géographique ici.

Cette deuxième flore la plus ancienne de France, en plus de fournir une esquisse du paysage de cette époque, confirme les reconstitutions modernes de la localisation des continents il y a 400 millions d’années. Le nord de la France se situait sur un autre continent, la Laurussie, avec la Belgique actuelle, la Grande-Bretagne ou l’Amérique du Nord, d’où des flores similaires. D’autre part, le massif armoricain et le reste de la France moderne étaient en bordure d’un autre continent, le Gondwana, séparé du précédent par un grand océan. Ainsi, cet éloignement géographique se traduit par des flores complètement différentes. Ces fossiles du Dévonien Rebreve s’inscrivent également dans un contexte où « on assiste à une colonisation progressive des continents par les plantes et où les écosystèmes terrestres se complexifient progressivement », raconte Eliott Capel à Science et Avenir, des millions d’années avant l’apparition des grandes forêts. à l’époque carbonifère. C’est cette dernière qui allait sous-tendre les gisements houillers qui caractériseraient la région aux XIXe et XXe siècles.