La Chine a déclaré vendredi qu’elle poursuivrait sa stratégie Covid-zéro, « l’atout » contre le coronavirus, malgré la frustration croissante à Shanghai, où les habitants emprisonnés protestent désormais en frappant des pots sur les fenêtres.

Depuis deux ans, le géant asiatique connaît sa pire flambée épidémique depuis le printemps 2020. Le ministère de la Santé a de nouveau annoncé plus de 15 500 nouveaux cas positifs au cours des dernières 24 heures.

Dans la métropole de Shanghai (est), de loin la plus durement touchée et dont les 25 millions d’habitants sont isolés depuis début avril, les autorités ont fait état vendredi de 52 décès supplémentaires – tous sans vaccinations.

La stratégie zéro Covid consiste en diverses mesures : isolement des quartiers ou des villes dès l’apparition des cas, mise en quarantaine des personnes testées positives, voire asymptomatiques, voire dépistage de masse.

« C’est un atout important pour la prévention et le contrôle des épidémies » en Chine, où vivent 1,4 milliard d’habitants, a déclaré vendredi à la presse le vice-ministre de la Santé Li Bin.

« Notre pays est très densément peuplé, avec un déséquilibre régional en termes de développement et un manque de ressources médicales. Si nous nous détendons (agissons) et laissons le virus se propager, de nombreuses personnes seront infectées. »

La stratégie zéro Covid a permis de limiter le nombre de décès dus à la maladie (officiellement moins de 5 000).

Mais l’emprisonnement prolongé est un fardeau pour l’économie et n’est pas bien toléré par la population.

– Tintamarre –

A Shanghai, les habitants emprisonnés se plaignent du manque de légumes frais ou de viande.

Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux jeudi soir, rapidement censurées, montrent des habitants frappant des casseroles et des poêles aux fenêtres, criant « fournitures ».

Une habitante de Shanghai a déclaré à l’AFP, sous couvert d’anonymat par crainte d’éventuelles représailles, qu’elle avait vu l’annonce en ligne au préalable. Elle a rejoint le concert après avoir entendu un bruit à l’extérieur.

Des habitants font la queue pour se faire tester pour le coronavirus à Guangzhou, en Chine, le 28 avril 2022 (AFP-STR)

« J’ai vu beaucoup de ces vidéos envoyées par des personnes vivant dans différentes régions », dit-elle.

Le confinement présente un défi logistique titanesque car 25 millions d’habitants doivent être approvisionnés malgré une pénurie de livreurs.

Les censeurs d’Internet ont du mal à suivre les vidéos virales qui se répandent rapidement sur les réseaux sociaux. Ils suppriment la plupart des contenus signalant des défaillances administratives ou des plaintes de résidents.

La censure, qui alimente aussi le ressentiment des Shanghaiens.

Alors que de nombreux pays ont levé leurs restrictions sanitaires dans le sillage des campagnes de vaccination, Pékin considère la stratégie comme impossible à court terme et trop risquée pour son système de santé.

– « Impasse » –

Autre question soulevée par Liang Wangnian, chef de l’équipe d’experts Covid mandatée par le ministère de la Santé : des taux de vaccination insuffisants pour les personnes âgées en Chine.

Cette politique sanitaire devrait en tout cas punir sévèrement le secteur du tourisme pendant la fête du 1er mai, qui commence le samedi et dure cinq jours.

Une femme est testée pour le coronavirus dans un centre de test situé devant des immeubles de bureaux à Pékin, le 29 avril 2022 (AFP - Jade GAO) #Une femme est testée pour le coronavirus dans un centre de test situé devant des immeubles de bureaux à Pékin, le 29 avril 2022 (AFP – Jade GAO) #

Les Chinois en profitent généralement pour partir en vacances, mais le ministère des Transports prévoit déjà une réduction de 62 % des déplacements par rapport à 2021.

Pour Jörg Wuttke, président de la Chambre de commerce de l’Union européenne (UE) en Chine, la priorité de l’autorité est ailleurs.

« Les maires, les responsables politiques régionaux, n’ont qu’une seule boussole pour le moment : zéro Covid », ce qui est une « impasse », a-t-il déclaré jeudi au média The Market du quotidien suisse Neue Zürcher Zeitung. « Ils ne se soucient pas de l’économie à court terme. »

Cette politique sanitaire durera jusqu’au 20e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) fin 2022, au cours duquel le président Xi Jinping doit recevoir un troisième mandat à la tête du régime, a précisé M. Wuttke.

« Il ne peut pas changer son discours (sur Covid) si près de la ligne d’arrivée », a déclaré M. Wuttke.